dimanche 20 octobre 2013

Les enfants de La Pa Tan

Quelques semaines après notre retour du Vietnam, nous avons pris des nouvelles des élèves des deux écoles dont nous avions parrainé la rentrée scolaire 2013/2014.
Nous avons ainsi appris que malheureusement 102 des 249 élèves inscrits à La Pa Tan n’avaient toujours pas pris le chemin de l’école.

Les institutrices nous ont expliqué que dans cette région particulièrement défavorisée du Vietnam, de nombreuses familles n’avaient pas réussi à réunir le budget nécessaire pour payer les frais de scolarité. Les enfants sont donc restés à la maison.
Elles nous ont également fait comprendre, que pris au piège d’un quotidien trop difficile, les parents étaient devenus fatalistes et n’arrivaient pas à entrevoir un avenir meilleur pour leurs enfants. Leur scolarisation leur paraissait donc superflue, voir inutile.





Face à ce triste constat et à l’immense motivation des institutrices pour aider ces enfants à mieux grandir, nous avons pris la décision de prendre en charge les frais de scolarité et l'achat des livres scolaires de ces 102 élèves pour l’année scolaire 2013/2014.

Conscients que prendre en charge les frais de scolarité d’un enfant n’est pas une raison suffisante pour le reconduire à l’école, nous avons décidé d’aller plus loin dans notre démarche.

Avec la complicité des institutrices et du chef du village, nous avons organisé une réunion des parents des élèves dont nous allions prendre en charge les frais de scolarité pour leur expliquer les enjeux de l’école et les remotiver en leur racontant une belle histoire synonyme d’espoir pour l’avenir de leurs enfants.




Nous avons pour cela fait appel à notre ami Manh Duc.

Nous lui avons demandé de monter à l’école de La Pa Tan, le 10 octobre dernier, pour régler au nom de « l’école des rizières » les différentes formalités administratives et financières  permettant de re scolariser les 102 enfants concernés. 
Sa rencontre avec les parents  avait aussi pour but de lui permettre de leur  raconter son histoire personnelle : L’histoire d’un modeste fils de paysan devenu chef d’entreprise grâce à l’école .



 Manh Duc et la directrice de l'école de La Pa Tan


Ceux d’entre vous, qui lisent régulièrement notre blog se rappellent peut être de l’histoire de Manh que nous avions raconté il y a quelques mois. Pour les autres, vous trouverez ci dessous un extrait du texte publié:


« Manh Duc est né le 29/11/1980 à 60 Km d’Hanoi dans un petit village qui s’appelle aujourd’hui Lang Moi.
Ses parents cultivaient la terre et complétaient leurs modestes revenus par la confection artisanale de briques.
Quand il repense à son enfance au village, Manh se souvient bien sûr du parfum exaltant des champs de lotus, de la beauté des rizières vertes en été mais aussi et surtout de la fatigue liée à ses longues journées de travail.

Comme de nombreux enfants du village Manh se levait tous les jours aux aurores pour aider ses parents à la fabrication des briques avant de prendre le chemin de l’école.
Dans le milieu modeste où il a grandi, la fin de l’école primaire marquait généralement le début de la vie professionnelle des enfants.
Mais Manh adorait apprendre et n’envisageait pas son avenir lié à la terre comme celui de ses parents.


A force de persuasion, il est parvenu à convaincre sa famille de le laisser poursuivre sa scolarité jusqu‘au bac. Le district ne comptant qu’un seul Lycée, le concours était d’un très haut niveau et seuls les meilleurs élèves étaient admis.
Manh se réjouissait à l’approche de ce concours qui pourrait changer sa vie. Mais à quelques jours de l’épreuve, ses parents lui annoncèrent qu’ils n’avaient malheureusement pas les 31 000 dongs (1,50€) nécessaires pour valider son inscription. C’est grâce à la générosité du père d’une de ses camarades de classe que Manh s’est présenté à ce difficile concours qu’il a réussi avec brio.

Le bac en poche, Manh ne souhaite toujours pas entrer dans la vie active mais les faibles revenus de ses parents ne permettent pas la poursuite de ses études.
A l’approche de la rentrée universitaire, Manh est triste mais résigné.
L’argent dont il a besoin pour s’inscrire représente des mois de travail pour ses parents. Son rêve est inaccessible.
Il a aujourd’hui une infinie reconnaissance pour un  riche villageois de son petit village de Lang Moi qui à deux jours de la rentrée universitaire a accepté de prêter à sa mère les 100€ lui permettant de valider son inscription.


Quand il intègre l’université à Hanoi, Manh a 17 ans.
Le matin, il assiste aux cours avec ses camarades et l’après-midi il révise assidûment dans sa modeste chambre d’étudiant.
Le soir venu, il donne des cours particuliers et assure la sécurité de nuit dans les hôtels pour subvenir à ses besoins et aider ses parents à payer la scolarité de son petit frère.

A 22 ans, Manh décroche un Master de Français et pour parfaire ses connaissances, il débute immédiatement une carrière de guide francophone dans une agence de voyage tout en poursuivant son parcours universitaire.
Ses premiers salaires ne changeront rien à son niveau de vie.
Il continue à vivre petitement pour pouvoir épargner et aider sa famille au village.
En 1994, pour son plus grand bonheur et celui de ses parents Manh décroche un Master de tourisme.


Grace à ses économies et à un emprunt contracté auprès d’un de ses amis, il créé le 10 octobre 2004 à 23 ans sa propre agence de Voyage « Vietnam Original Travel » avec pour logo un petit garçon sur un buffle.
Un clin d’œil discret à son incroyable histoire de fils de paysan devenu chef d’entreprise... »


C’est cette histoire, son histoire, que Manh a raconté aux parents des enfants de La Pa Tan, le 10 octobre dernier. Une histoire qui pourrait grâce à l’école devenir un jour, celle de leurs propres enfants…

Le discours de Manh a profondément convaincu les pères de familles qui s’étaient déplacés pour représenter les parents d’élèves des différents hameaux.
A l’issue de la réunion, les parents présents ont accepté à l’unanimité de signer un contrat moral à travers lequel ils s’engagent à scolariser leurs enfants de façon assidue pendant l’année scolaire 2013/2014.
Comme le veut la tradition vietnamienne, les parents ne sachant pas écrire ont validé leur accord en apposant l'emprunte de leur doigt sur le document qui leur était présenté.




Nous souhaitons à ces 102 élèves qui viennent de rejoindre leurs petits camarades avec quelques semaines de retard, une bonne et heureuse année scolaire 2013/2014.

Nous prendrons régulièrement de leurs nouvelles. 

Merci à Manh pour son investissement à nos côtés et pour ces photos prises lors de la réunion.






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